Maladie du sommeil : il fallait chercher dans la peau et non dans le sang
Pratiquement éradiquée d’Afrique de l’Ouest à deux reprises, la maladie du sommeil a pourtant réussi à ressurgir à chaque fois. La faute à une information qui manquait dans la compréhension de la maladie.
Les chercheurs ont fait une découverte qui devrait permettre d’éradiquer une bonne fois pour toutes la maladie du sommeil, car contrairement à ce que l’on pensait jusqu’à présent, la transmissions du parasite (Trypanosoma brucei gambiense) à la mouche Tsé-Tsé ne se fait pas uniquement par le sang, mais également par la peau.
Le parasite de la maladie du sommeil se trouvait aussi (et surtout) dans la peau
Brice Rotureau, chef du groupe Transmission des Trypanosomes à l’Institut Pasteur, explique : « Au cours des derniers siècles, la maladie du sommeil a failli être éliminée d’Afrique de l’Ouest à deux reprises, mais à chaque fois l’épidémie repartait car de nombreux sujets infectés passaient vraisemblablement entre les mailles du filet lors des campagnes de dépistage et continuaient à transmettre le parasite Trypanosoma brucei gambiense à son vecteur, la mouche tsé-tsé. »
Après avoir étudié de nombreux échantillons de personnes contaminées par la maladie du sommeil, les scientifiques ont découvert que près de 30% des échantillons de sang ne contenaient pas de parasites. Ces derniers devaient donc se cacher dans un autre endroit pour parvenir à infester leur vecteur, la mouche Tsé-tsé et c’était également une preuve que le concept de porteur sain pouvait s’appliquer à cette pathologie. Les scientifiques ont remarqué la présence de parasites en nombre encore plus grand que dans le sang, dans les tissus de la peau.
Brice Rotureau a indiqué : « Nous avons vu de très nombreux parasites dans la peau, en quantité bien plus importante que dans le sang. Et à l’échelle tissulaire, nous avons pu voir les trypanosomes, à la base du derme, nager dans la matrice en dehors du système vasculaire. Les parasites y étaient distribués de manière très homogène, comme s’ils optimisaient leurs chances d’être prélevés par une mouche tsé-tsé afin d’être transmis à un nouvel hôte ».
Un nouvel espoir pour lutter contre la maladie du sommeil
Tous les ans, entre 4 000 et 8 000 personnes sont infectées par la maladie du sommeil, une pathologie qui peut être mortelle lorsqu’elle n’est pas traitée. Cette maladie touche essentiellement 36 pays d’Afrique subsaharienne, cette découverte est donc un nouvel espoir pour tous ces pays. Dans un avenir proche, il sera possible de mettre au point un système de dépistage mettant en avant les porteurs sains ou sans symptôme, qui étaient jusque-là des réservoirs naturels de la maladie du sommeil, favorisant sa résurgence.
« Maintenant que l’on sait où chercher, on peut penser de manière très sérieuse à éliminer la maladie du sommeil en Afrique de l’Ouest dans un futur assez proche. D’autant que la situation épidémiologique, avec un nombre de patients qui n’a jamais été aussi bas, est idéale pour intervenir. Nos travaux fourniront, nous l’espérons, un outil précieux, qui devrait permettre à l’OMS de déployer une campagne d’élimination, sur tous les fronts, intégrant le dépistage, puis le traitement des patients et des porteurs sains, parallèlement à des opérations de lutte anti-vectorielle », conclu Brice Rotureau.