Le marché de la drogue en France et en Europe est en pleine mutation
L’usage de drogues illicites reste “historiquement élevé” en France et en Europe, qui doit faire face à de “nouvelles menaces”. Des substances plus pures, un cannabis en expansion, un trafic d’héroïne en mutation et une diversité croissante de nouveaux produits de synthèse avec des produits de synthèse toujours plus nombreux et de nouveaux types d’usage, alerte mardi l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) dans son rapport annuel.
85 millions de personnes en Europe ont consommé une drogue illicite au cours de leur vie
Même si la consommation de cocaïne et de cannabis marque des signes d’érosion, tout comme le nombre de nouveaux usagers d’héroïne et le recours à l’injection, l’observatoire, basé à Lisbonne, souligne que 85 millions d’adultes européens ont consommé une drogue illicite au cours de leur vie.
Il constate une “hausse sensible” de la teneur et de la pureté des drogues, que ce soit la teneur en THC (principe actif) du cannabis ou en MDMA (principe actif) dans les cachets d’ecstasy ou la pureté de la cocaïne et de l’héroïne.
Cannabis, héroïne et cocaïne: un marché de plus de 3 milliards d’euros en France en 2014
Le chiffre d’affaire du marché du cannabis, de l’héroïne et de la cocaïne en France est estimé autour de 3 milliards d’euros, indique jeudi l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) dans un rapport. L’OFDT remet chaque année un rapport national dressant l’état du phénomène de la drogue en France à l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT).
Les teneurs moyennes en principe actif de l’herbe ont doublé en cinq ans et celles de la résine en dix ans. Le cannabis reste la drogue la plus consommée en Europe, et sa consommation est notamment en hausse en France
“En prenant en compte le cannabis, l’héroïne et la cocaïne, le chiffre d’affaires réalisé sur le marché des drogues illicites se situerait, selon certaines estimations, autour de 3 milliards”, précise l’OFDT.
Il souligne également que “la disponibilité et l’accessibilité de substances comme l’héroïne et la cocaïne a été élevée en 2013”, notamment à cause de “la forte implantation des réseaux importateurs d’héroïne en provenance d’Afghanistan via l’Europe balkanique” et “la reconversion de certaines organisations investies dans le trafic de cannabis en direction du chlorhydrate de cocaïne”.
Ainsi, la production d’herbe de cannabis s’est intensifiée ces dernières années sur le continent. D’abord du fait de petits cannabiculteurs soucieux d’un produit de qualité, puis par des réseaux de type mafieux, attirés par les bénéfices, poussant les producteurs de résine, majoritairement marocaine, à améliorer leur produit pour rester attractifs.
Les teneurs moyennes en principe actif de l’herbe ont doublé en cinq ans et celles de la résine en dix ans.
Le cannabis reste la drogue la plus consommée en Europe, et sa consommation est notamment en hausse en France, en Bulgarie et dans les pays nordiques. C’est désormais le produit le plus fréquemment cité par les patients européens qui entament un traitement thérapeutique en lien avec leur consommation.
Il représente aussi 80% des saisies de drogues, et la consommation ou possession de cannabis représentent plus de 60% de toutes les infractions liées à la drogue en Europe.
Moins d’héroïne mais une offre croissante de stimulants
A l’inverse, l’héroïne, principal opiacé consommé en Europe, est en déclin, même si elle représente toujours une part importante de la mortalité liée aux drogues et compte 1,3 million d’usagers “problématiques”. Les saisies ont également diminué.
Mais l’Observatoire s’inquiète de l’augmentation récente de la production d’opium en Afghanistan, pays qui fournit la majeure partie de l’héroïne en Europe, ce qui pourrait entraîner une plus grande disponibilité sur le marché. De même, la découverte en Espagne de laboratoires de traitement de l’héroïne montre des signes d’innovation du marché.
Une diversification des produits importés avec une forte augmentation des drogues de synthèse
A cela s’ajoute une mutation du trafic d’héroïne vers l’Europe. Si la route des Balkans reste prédominante, la “route du sud gagne du terrain”, partant de l’Iran et du Pakistan et rejoignant l’Europe directement ou indirectement via les pays de la péninsule arabique ou d’Afrique.
Ce changement s’accompagne d’une diversification des produits importés (morphine, opium, produits synthétiques) et des modus operandi des trafiquants (moyens de transport et routes empruntées), en fonction des évolutions des politiques répressives des pays traversés, des moyens déployés contre les trafics et de l’instabilité des territoires (conflits, etc.).
La concurrence est également foisonnante sur le marché des stimulants, où la cocaïne reste la plus fréquemment consommée devant les amphétamines, l’ecstasy et un nombre croissant de drogues de synthèse, dont les cathinones, de plus en plus courants.
Il met en garde aussi contre “les nouvelles substances psychoactives” (NSP), chaque année plus nombreuses – 101 ont été détectées en 2014 – vendues comme “euphorisants légaux” et souvent utilisées comme substitut aux drogues illicites existantes, mais parfois mortelles. Si la plupart sont importées, certaines sont désormais produites en Europe dans des laboratoires clandestins.
Trop faciles à produire et beaucoup d’argent en jeu
Le nombre de ces substances “va continuer à augmenter à l’avenir à la même vitesse qu’aujourd’hui” car “elles sont bien trop faciles à produire et il y a beaucoup d’argent en jeu”, a précisé jeudi à Lisbonne Wolfgang Götz, directeur de l’OEDT. “La plupart des pays doivent faire une nouvelle loi pour chaque nouvelle molécule qui apparaît”, ce qui incite les fabricants à innover, a-t-il expliqué.
Beaucoup de ces NSP, mais aussi les drogues plus traditionnelles, sont disponibles en ligne, déplore l’observatoire, sur le “web visible” mais aussi sur les “cryptomarchés” ou les marchés du “deep web”, plus caché.
- 85 millions de personnes en Europe ont consommé une drogue illicite au cours de leur vie
- Cannabis, héroïne et cocaïne: un marché de plus de 3 milliards d’euros en France en 2014
- Les teneurs moyennes en principe actif de l’herbe ont doublé en cinq ans et celles de la résine en dix ans.
- Moins d’héroïne mais une offre croissante de stimulants
- Une diversification des produits importés avec une forte augmentation des drogues de synthèse
- Trop faciles à produire et beaucoup d’argent en jeu