Assouplissement de la pub sur l’alcool: autorités sanitaires et associations vent debout
Autorités sanitaires et associations pour la prévention de l’alcoolisme étaient vent debout mercredi contre un amendement gouvernemental assouplissant la communication sur l’alcool, alors que plusieurs ministres s’étaient engagés à ne pas modifier la loi Evin limitant la publicité pour l’alcool depuis 25 ans.
“Le texte du gouvernement donne un grand coup de hache à la définition de la publicité dans la loi Evin”, ont réagi une quinzaine d’associations dans un communiqué conjoint.
Elles dénoncent l’amendement “clarifiant” la loi Evin, présenté mardi par le gouvernement dans le cadre du projet de loi Macron, comme une “défaite de la santé publique” car il “étend de façon majeure les possibilités de communication sur les alcools”.
Claude Evin, l’auteur de la loi, qui dirige aujourd’hui l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France, a pour sa part évoqué “un amendement de circonstance” et estimé que la position du gouvernement “n’est pas claire”. “On rouvre la possibilité de faire de la publicité plus ou moins directe pour l’alcool” en même temps “qu’un débat inutile”, a-t-il déclaré à l’AFP, déplorant qu’à chaque fois, “cela ouvre la porte à des dérives”.
Le projet de loi Macron, sur lequel le gouvernement a engagé mardi sa responsabilité, sera considéré comme adopté en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale en fin de semaine, à moins que le gouvernement ne soit renversé par une motion de censure, ce qui semble exclu.
La ministre de la Santé Marisol Touraine était montée au front à plusieurs reprises ces derniers mois pour défendre la loi Evin contre des tentatives parlementaires visant à affaiblir ce texte de 1991. Le ministre de l’Agriculture et porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll avait également préconisé d’en rester au statu quo. Avant d’annoncer mardi le dépôt de cet amendement de “clarification” permettant d’éviter que des médias puissent être condamnés en vertu de la loi Evin pour des articles évoquant des alcools.
L’amendement précise que les contenus relatifs notamment “à une région de production”, “un terroir” ou “au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine” ne relèvent pas de la publicité ou de la propagande, strictement encadrées par la loi.
50.000 morts par an
L’amendement a été salué par le monde viticole. “Cette situation devrait donner un cadre légal clair pour les journalistes et les acteurs de l’oenotourisme concernés par les conditions d’application de la loi Evin. C’est un signal positif adressé à toutes les régions viticoles, véritables poumons économiques pour notre pays”, a souligné dans un communiqué Joël Forgeau, le président de Vin & Société qui regroupe des fédérations viticoles nationales et régionales.
Mais pour François Bourdillon, le directeur général de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), “c’est la santé des populations qui est attaquée, et particulièrement la jeunesse”. Dans une tribune publiée mardi soir sur le site du journal Libération, M. Bourdillon -qui dirige aussi l’Institut de veille sanitaire (InVS) – souligne que “d’année en année, la loi Evin a été minutieusement déconstruite sous la pression des lobbies des alcooliers”.
Il rappelle qu’en 1994, le Parlement a autorisé la publicité par affichage, interdite depuis 1991; puis, en 1998, la vente d’alcool dans les buvettes des stades avant de permettre en 2005 les références aux appellations d’origine et aux saveurs olfactives et gustatives. En 2009, il a autorisé la publicité sur internet, qui permet de cibler les jeunes.
“Dans ce contexte, il n’est pas étonnant d’observer depuis 10 ans une augmentation des consommations excessives d’alcool, en particulier chez les 18-25 ans”, ajoute-t-il rappelant que les ivresses répétées (plus de trois fois par an) concernaient 28% d’entre eux en 2014 contre 8% en 2005.
Fait rarissime, même l’Institut national contre le cancer (Inca) est monté au créneau ces derniers jours pour “rappeler les enjeux majeurs de santé publique que sont les liens entre alcool et cancer et l’impact de la communication sur la consommation d’alcool”. On estime au total que près de 50.000 décès par an sont entraînés directement ou indirectement par l’alcool (cancers, maladies digestives ou cardiovasculaires, accidents de la route, etc.) dont 15.000 décès par cancer, selon l’Inca.