« Ciseaux génétiques » : leurs découvreuses recommandent la prudence
Les deux chercheuses qui ont mis au point un outil permettant de modifier avec beaucoup de précision de l’ADN mettent en garde contre les dérives qui pourraient découler de leur découverte.
La française Emmanuelle Charpentier et l’américaine Jennifer Doudna ont mis au point, il y a 4 ans, une technique qui permet d’éliminer et d’ajouter des fractions de matériel génétique avec une très grande précision. Elles devraient, aujourd’hui, recevoir le prix L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science pour leur découverte baptisée CRISPR-Cas9, aussi communément appelée « ciseaux génétiques« . Conscientes que cet outil est une boite de Pandore, elles ont mis en garde sur l’utilisation qui pourrait être faite de cette technique et de la tentation très élevée de repousser les frontières de l’éthique.
ADN modifiable : un risque de récupération eugénique
Les ciseaux génétiques mis au point par le binôme de chercheuses permettent d’éditer facilement du matériel génétique, un peu comme un traitement de texte qui permet de modifier une rédaction. La technique développée par les deux femmes a aussi l’avantage notable d’être bon marché, simple d’utilisation et efficace.
Jennifer Doudna, qui enseigne aussi à l’Université Berkeley de Californie, souligne que « comme pour toute technologie, il peut y avoir un voyou » à l’utiliser et ajoute qu' »il y a également un risque de surexcitation autour de cet outil, qui pourrait conduire des gens, même bien intentionnés, à pratiquer des expériences susceptibles d’avoir des effets inattendus« .
Déjà des recherches sur des cellules d’embryons humains
L’an dernier, une équipe chinoise avait annoncé avoir utilisé cette technologie sur des cellules d’embryons humains. En février, le gouvernement britannique autorisait l’utilisation de cet outil, là aussi sur des embryons humains, mais dans le cadre de la prévention des fausses-couches.
Emmanuelle Charpentier, la scientifique française, se dit « réservée » quand à la manipulation des embryons et des cellules reproductrices d’origine humaine. Elle confie cependant qu' »avant que l’on puisse utiliser un jour CRISPR-Cas9 pour fabriquer des bébés à la carte, il y a encore pas mal de travail à faire« . La chercheuse confesse par ailleurs : « Mon sentiment est que tout va très vite. Je pense qu’il faut procéder pas à pas » et que les pays souhaitant utiliser cette technologie s’adaptent et précisent l’utilisation qu’ils en feront.