La « révolution » des nouveaux traitements bouleverse la prise en charge de l’hépatite C
L’arrivée de traitements efficaces mais très onéreux contre l’hépatite C a bouleversé en quelques mois la prise en charge de cette maladie qui, en France, touche 230.000 personnes, selon des spécialistes réunis cette semaine à Paris.
Ces nouvelles molécules représentent « une grande révolution parce qu’on est passé de quelques pour cent de guérison (avec les anciens traitements, ndlr) à plus de 90% », explique Nathalie Boyer hépatologue de l’hôpital Beaujon de Clichy près de Paris.
« Dans les dix ans qui viennent, on aura probablement une éradication du virus de l’hépatite C. C’est quelque chose qu’on n’espérait pas il y a quelques années », s’enthousiasme la spécialiste dans une vidéo diffusée au congrès Paris Hepatitis Conference
Cet optimisme n’a pas été partagé par tous les spécialistes présents à ce rendez-vous financé par les principaux laboratoires impliqués dans la mise au point des nouvelles molécules.
« Ce n’est pas la fin de l’hépatite C et ce n’est peut-être même pas le début de la fin, à cause de l’obstacle de l’accès aux nouveaux traitements », souligne le Pr Marc Bourlière de l’hôpital Saint Joseph à Marseille.
Ces « antiviraux à action directe » (AAD) bloquent la capacité de multiplication du virus de l’hépatite C et sont bien plus efficaces que les traitements conventionnels : l’interféron et la ribavirine. Ils n’ont pas les épouvantables effets secondaires de ces deux produits en particulier sur l’humeur, l’agressivité ou l’appétit des patients.
Mais ils sont extraordinairement chers: le prix d’un traitement standard de 12 semaines par sofosbuvir, le premier de ces médicaments arrivés sur le marché, a été fixé en France à 41.000 euros après un rabais consenti par le fabricant américain Gilead au gouvernement (57.000 euros prévus initialement).
D’autres de ces molécules ont été autorisées depuis, à des prix à peine moins élevés. Des combinaisons de plusieurs de ces AAD sont actuellement mises au point pour une meilleure efficacité, avec des prix avoisinant les 100.000 euros par patient.
« Manque de bras »
Pour les malades en échec de traitement avec les anciennes thérapies, ces nouvelles molécules sont tout simplement « formidables », note Alain, aujourd’hui définitivement débarrassé du virus.
Mais l’arrivée de cette « révolution » thérapeutique ne va pas sans heurts dans les services hospitaliers habitués à traiter cette pathologie comme une longue maladie chronique pouvant déboucher sur cirrhose et cancer du foie.
« On a une puissance phénoménale mais paradoxalement, on n’a jamais été aussi impuissant », déplore le vice-président de l’association SOS Hépatites, Dr Pascal Mélin. Il dénonce un « manque de bras » persistant dans les hôpitaux et des listes d’attentes qui s’allongent.
Un enquête réalisée par l’association montre qu’un malade nouvellement dépisté doit attendre en moyenne plus de 40 jours avant un premier rendez-vous dans un service hospitalier spécialisé.
L’arrivée des nouvelles molécules a provoqué un afflux de patients « qui n’étaient plus suivis et qui reviennent en très grand nombre, provoquant un goulot d’étranglement », souligne le Dr Boyer.
Seuls les patients les plus sévèrement atteints par le virus (ceux développant cirrhose ou fibrose du foie) ont normalement accès aux nouveaux traitements, soit environ 80.000 patients en France, selon cette hépatologue.
Mais les critères stricts et des obstacles administratifs (obligation d’évaluer les cas en réunions de concertation pluridisciplinaires) ralentissent la tâche des médecins.
« On est en train d’organiser le rationnement financier, on fait porter sur les médecins l’incapacité d’assumer des choix politiques », critique le Dr Mélin.
Ce médecin évalue à « plusieurs dizaines de milliers » les patients en France en attente de ces nouveaux traitements tandis que les hépatologues estiment qu’ils ne seront de toutes façons pas en mesure de traiter plus de 14.000 cas par an.
Le Pr Patrick Marcellin de l’hôpital Beaujon, organisateur du congrès, reste optimiste: « Tout cela va bouger, les prix très chers aujourd’hui (…) vont chuter, le nombre de patient va augmenter et les nouveaux traitements vont se banaliser ».