SIDA : Les discriminations perdurent pour les personnes vivant avec le VIH
Aides sort un rapport sur les discriminations subies par les personnes touchées par le VIH ou une hépatite. Grandes écoles interdites, administrations, restriction d’entrée à de nombreux corps d’Etat, refus de soin : la liste dressée par l’association de lutte contre le Sida est longue.
De nombreux cas de discrimination dans l’armée et les grandes écoles
Parmi ces discriminations, l’association pointe celles qui affectent la sphère professionnelle. «Nous avons été alertés, en juillet 2015, par une personne qui souhaitait intégrer la marine nationale. Du fait de sa séropositivité, c’était impossible pour lui de devenir officier navigant. En enquêtant, nous avons découvert le référentiel Sigycop que nous ne connaissions pas. Ce document est une classification permettant d’établir un profil médical qui détermine l’aptitude d’un individu à exercer dans l’armée», explique l’association.
Dans le rapport publié jeudi, l’association pointe de nombreux cas similaires de discrimination à l’embauche dans l’armée, la police, la gendarmerie, mais aussi pour les candidats aux grandes écoles. L’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM), Polytechnique et Saint-Cyr sont notamment visées. Pour l’association, les personnes touchées par le VIH seraient victimes de discriminations d’ordre légal. « C’est-à-dire actées dans la loi », précise Adeline Touillet.
Les personnes vivant avec le VIH sont perçues comme des dangers
« Les personnes vivant avec le VIH sont perçues comme des dangers. La science a progressé, la société beaucoup moins », a résumé Aurélien Beaucamp, président de l’association de lutte contre le sida, lors de la présentation de ce rapport intitulé « VIH/Hépatites. La Face cachée des discriminations ».
« Réalisé à partir de situations individuelles dont nous avons été saisis (…), ce document n’est pas un rapport d’activité. C’est un panorama, souvent glaçant, de dysfonctionnements qui perdurent, de lacunes administratives, de failles juridiques, d’abus de pouvoir, de discriminations institutionnalisées dont le lit est bien cette façon, particulière et détestable, de considérer le VIH/sida comme une maladie +à part+ », écrit M. Beaucamp dans ce document.
Il observe que « ces inégalités sont encore alimentées aujourd’hui par les peurs, les représentations, les exigences insultantes de protection vis-à-vis des personnes séropositives ». Malgré des avancées scientifiques qui ont bouleversé la vie des personnes infectées et augmenté considérablement leur espérance de vie, lois et règlements « sérophobes » perdurent.
Aides a détaillé les dispositions administratives jugées contestables qui excluent de certaines professions des personnes vivant avec le VIH, ou restreignent leurs carrières.
L’association cite en particulier l’exemple de la restriction d’entrée à l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) en application d’une ordonnance de 1958 (bien avant la découverte du virus en 1983). Celle-ci stipule que chaque candidat à l’ENM doit remplir les conditions d’aptitude physique nécessaires à l’exercice des fonctions de magistrat, et être reconnu indemne ou définitivement guéri de toute affection donnant droit à un congé de longue durée (CLD).
Refus de soin chez le dentiste
Elle relève en outre le cas des écoles Polytechnique et Saint-Cyr, dont les critères médicaux d’aptitude aux carrières militaires excluent d’emblée les personnes séropositives sous traitement.
Ce sont aussi 500.000 postes dans l’armée, la gendarmerie, la police et les sapeurs-pompiers qui sont interdits aux séropositifs, ces derniers étant considérés « inaptes au terrain », estime Aides.
Les personnes « séropositives sont, dans le meilleur des cas, cantonnées à des fonctions sédentaires ou administratives non opérationnelles. Aucune donnée scientifique ou médicale ne justifie une telle exclusion de principe, a fortiori depuis 1996 et l’arrivée des traitements antirétroviraux », fait valoir l’association.
« Un de mes anciens collègues gendarmes dont la séropositivité a été découverte lors d’une visite médicale annuelle obligatoire a immédiatement été reclassé, en fait mis au placard. Vécu comme une sanction, il a fini par démissionner », a témoigné Laurent Pallot, secrétaire général d’Aides.
La personne séropositive y est systématiquement assimilée à une personne inapte et potentiellement dangereuse
Aides consacre aussi un volet détaillé au droit à la santé pour tous, rappelant la campagne menée au printemps montrant qu’un dentiste sur trois refuse de soigner les séropositifs. « Les raisons invoquées témoignent toujours de représentations fausses ou surannées de la séropositivité. La personne séropositive y est systématiquement assimilée à une personne inapte et potentiellement dangereuse », regrette Aides.
« En 17 ans de VIH, j’ai tout expérimenté, comme en 2010 lorsque, après une grosse opération, je me suis réveillé dans une salle avec mon dossier médical sur moi sur lequel avait été apposé en gros VIH + », raconte Laurent Pallot. Il ne compte plus non plus les fois où il a entendu des soignants recommander à leurs collègues de porter deux paires de gants pour le soigner ou les secrétaires médicales apposant VIH à côté de son nom dans l’agenda.
« Ma charge virale est indétectable. Je ne suis ni malade, ni dangereux pour la société », a-t-il martelé jeudi. S’agissant de l’accès à l’emprunt immobilier, les malades doivent composer avec des « surprimes exorbitantes », dénonce l’association.
Le même rapport précise que les personnes séropositives sont considérées comme inaptes au terrain dans tous les corps de l’armée, la gendarmerie, les sapeurs pompiers et la police nationale. « 500.000 postes interdits » seraient concernés. « La plupart des métiers de l’armée requièrent une note inférieure à 3 au Sigycop. Même pour être aumônier ou membre de l’orchestre, il faut 1 ou 2 », dénonce Adeline Touillier. Pour se faire entendre, un courrier a été adressé en septembre à tous les ministères concernés. En octobre, le défenseur des Droits Jacques Toubon a même été saisi. Il promet ainsi de faire pression sur les ministères pour que ces discriminations soient corrigées. Et qu’à terme, la perception des personnes malades évolue.
VIH/Hépatites, la face cachée des discriminations 2015 (source aides.org)
Refusées par un cabinet dentaire sur trois. Refusées pour une demande d’emprunt. Refusées à l’entrée de Polytechnique ou de l’École nationale de la magistrature. Considérées comme « inaptes au terrain » chez les pompiers, dans la gendarmerie, dans l’armée ou la police nationale. Et cette liste n’est, hélas, pas exhaustive. Nous sommes en 2015 et à bien des égards, le traitement social réservé aux personnes séropositives fleure bon les années 80. La première édition du rapport VIH, Hépatites : la face cachée des discriminations lève le voile sur quelques unes de ces discriminations tenaces et souvent insoupçonnées, qui renvoient continuellement les personnes touchées par le VIH ou une hépatite à leur statut de « malade ». Ou pire, qui les assimilent à un danger pour la société.
Ces dénis de droits sont vécus comme autant d’humiliations par les personnes touchées. Dans une société qui a encore du mal à lever le tabou sur la séropositivité, ils ont un impact direct sur leur santé, leur qualité de vie et leur accès à l’emploi. Alors que les traitements permettent aujourd’hui de vivre avec le VIH et de réduire de façon drastique les risques de transmission, des réglementations archaïques et des peurs irrationnelles maintiennent les personnes dans une forme de marginalisation sociale.
Pour chacune de ces discriminations aberrantes et inacceptables AIDES s’est mobilisée pour rappeler les principes fondamentaux du droit et faire évoluer les situations.
« Nous ne vaincrons pas le sida en marginalisant les personnes touchées. Nous sommes séropositifs, nous ne sommes ni inaptes, ni dangereux pour la société », résume Laurent Pallot, Secrétaire général de AIDES.
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- La personne séropositive y est systématiquement assimilée à une personne inapte et potentiellement dangereuse
- VIH/Hépatites, la face cachée des discriminations 2015 (source aides.org)