Mediator : Médecins et société civile se mobilisent contre Servier
Des personnalités du monde médical mais aussi de la société civile se mobilisent contre le comportement du laboratoire Servier envers les victimes du Mediator dans un manifeste internet invitant les professionnels de santé à “reconsidérer leur liens avec le groupe pharmaceutique”.
“Nous, signataires de ce manifeste, exhortons les professionnels de santé à reconsidérer leurs liens avec le groupe pharmaceutique Servier, laboratoire mis en examen pour des comportements d’une extrême gravité à l’origine de milliers de maladies cardiaques graves et de décès”, demande ce “manifeste des 30”, mis en ligne en milieu de semaine à l’initiative de la pneumologue Irène Frachon.
En milieu de journée vendredi, le manifeste avait déjà été signé par plus de 2.500 personnes.
Parmi les premiers signataires, Didier Sicart, médecin, ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNH), Rony Brauman, médecin et ancien président de Médecins sans frontières (MSF) ou encore le philosophe Michel Serres.
“Alors que l’état de nombreuses victimes ne cesse de se dégrader”, l’attitude du laboratoire Servier est “contraire à l’éthique scientifique et pharmaceutique”, poursuit le texte, déplorant que, malgré tout, Servier “reste un sponsor favorablement accueilli par une partie de la communauté médicale, certaines sociétés savantes et de nombreux leaders d’opinion médicaux”.
En conséquence, les signataires “appellent solennellement les médecins, soignants et leurs instances représentatives à réévaluer la pertinence des liens qui les unissent au laboratoire Servier et à vérifier si ces partenariats sont compatibles avec les principes fondamentaux de la déontologie médicale”.
Le succès rapide rencontré par ce texte n’a pas surpris le docteur Frachon, qui a mis au jour en 2007 le scandale du Médiator, car “cette affaire est un vrai scandale qui indigne l’opinion publique”, a-t-elle déclaré à l’AFP. Pour le médecin, un nouveau “bras de fer se joue entre Servier et l’Oniam” (Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux) depuis que cet organisme a réévalué, fin 2014, les indemnités accordées aux victimes du Mediator.
“Les fonds à verser sont faibles” au regard des moyens financiers du laboratoire
“Servier a vu ça d’un très mauvais oeil” et, tout en affirmant poursuivre ces indemnisations, conteste désormais les décisions de l’Oniam sous des prétextes “totalement fallacieux”. Le groupe renforce de ce fait la pression sur les victimes et contraint l’Oniam, selon les cas, à indemniser ces dernières avec des fonds publics avant de se retourner ultérieurement contre la laboratoire, assure la pneumologue.
Pour le groupe pharmaceutique, considère Mme Frachon, “les fonds à verser (aux victimes) sont faibles” au regard des moyens financiers du laboratoire, premier groupe pharmaceutique français indépendant.
Dans un communiqué publié jeudi, les laboratoires Servier “dénoncent la polémique lancée sur internet appelant les médecins soignants à +réévaluer la pertinence des liens les unissant au laboratoire+”. Servier fait valoir que son soutien à des partenaires ou des manifestations d’ordre médical “respectent les exigences des transparence et l’éthique médicale”.
Le Mediator, prescrit pendant 30 ans, d’abord contre l’excès de graisses dans le sang, puis comme traitement adjuvant pour les diabétiques en surpoids, est à l’origine de graves lésions des valves cardiaques. Il pourrait être responsable à long terme de 2.100 décès, selon une expertise judiciaire.
L’enquête est terminée depuis avril 2014 mais il n’y a pas de date de procès fixée à ce jour, en raison de plusieurs recours de Servier concernant la procédure.