Humiliée la médecin repart en Roumanie avant même son installation
Une médecin roumaine qui devait s’installer en Vendée, dans ce que l’on appelle un désert médical, a décidé de repartir dans son pays d’origine ; après un entretien avec le Conseil de l’Ordre, la praticienne, « humiliée », a tout laissé tomber et a décidé de rentrer dans son pays.
Plus de 50 000 € ont été investis dans le futur cabinet
La petite commune de Damvix, en Vendée, s’apprêtait à accueillir avec impatience une nouvelle médecin, d’origine roumaine. En effet, cette commune de 750 habitants n’avait plus de praticien depuis le mois de décembre. Le maire de la ville s’était même déplacé jusqu’en Roumanie pour rencontrer cette urgentiste de 40 ans, lui proposant de venir s’installer dans sa ville. 50 000 € ont été investis dans son futur cabinet. Selon le maire, elle maîtrisait assez bien la langue française.
Mais tous ces projets s’écroulent le 25 juin, jour de la rencontre de la médecin avec l’Ordre des Médecins. Elle est en effet sortie « effondrée » de cet entretien. La dizaine de médecins qui l’a auditionnée n’aurait pas été convaincue, jugeant « insuffisantes » ses « connaissances sur le plan médico-administratif », et lui demandant de suivre une formation d’un mois auprès d’un généraliste. Se sentant humiliée, l’urgentiste a décidé de repartir dans son pays d’origine, laissant toute une commune dévastée.
En Roumanie, les médecins touchent en moyenne un salaire de 450 €
De nombreuses communes en France sont désertées par les généralistes, la médecine se faisant aujourd’hui bien plus urbaine que rurale, créant un véritable déséquilibre entre l’accès aux soins des habitants des coins les plus reculés et ceux des grandes agglomérations. C’est pourquoi il est de plus en plus souvent fait appel à des médecins étrangers. Or, ainsi que l’a déclaré le maire de Damcix, l’Ordre des Médecins semble être « en train de protéger le pré carré de la médecine salariée ».
« Elle n’avait aucune formation sur l’organisation française », estime l’Ordre, qui a juste appliqué un article en lui proposant « l’accompagnement, comme cela a été fait pour un autre médecin roumain dans une autre commune vendéenne ».
Le délégué territorial de l’Agence régionale de santé, Étienne Le Maigat, pensait lui aussi « tenir un médecin pour cette zone en tension », tout en s’interrogeant sur les raisons de cette « déstabilisation » qui ont poussé la praticienne à repartir.
En Roumanie, « les médecins touchent en moyenne un salaire de 450 € alors que nous lui assurions un salaire de départ intéressant, en attendant qu’elle se constitue sa patientèle», regrette encore le maire de Damvix.
Environ 20.000 médecins ont été diplômés à l’étranger
Environ 20.000 médecins en France ont obtenu leur diplôme à l’étranger, une population qui a augmenté de 60% ces sept dernières années mais ne permet pas de résoudre le problème des déserts médicaux, selon une étude dévoilée jeudi par le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom).
Sur près de 270.000 médecins recensés en France (dont 61.000 retraités), 22.568 sont titulaires d’un diplôme étranger, soit une augmentation de 60,2% de 2007 à 2014, relève le Cnom dans sa première étude sur “les flux migratoires et trajectoires des médecins“. Parmi eux, 19.044 sont dits “en activité régulière”, c’est-à-dire exerçant au même endroit, hors remplaçants ou temporairement sans activité.
Un peu plus de la moitié (55,6%) ont obtenu leur diplôme en dehors de l’Union européenne, essentiellement en Algérie. En effet, 39,7% des diplômes obtenus en dehors de l’Europe l’ont été en Algérie. En 2e position viennent les diplômes obtenus en Syrie (10,6%) devant le Maroc (10,1%).
De 2007 à 2014, quelque 375 médecins titulaires d’un diplôme syrien supplémentaires ont été recensés en France, soit une hausse de 554% des effectifs, un phénomène lié à la guerre civile qui ravage la Syrie depuis plus de trois ans, relève le Cnom.
Le contexte géo-politique permet également d’expliquer la forte augmentation desmédecins titulaires de diplômes roumains (+520%) depuis 2007. Ces derniers composent 40,9% des titulaires de diplômes obtenus dans l’UE (hors de France), devant les titulaires de diplômes belges (19,1%) et italiens (11,5%).
L’étude ne précise pas la part de médecins français, nés en France, qui partent étudier à l’étranger pour contourner le numérus clausus.
Si l’Ordre enregistre, “chaque année parmi les nouveaux inscrits, 1.675médecins” diplômés hors de France, “ces populations nouvelles ne suffisent pas à résoudre la problématique de l’accessibilité aux soins de premier recours et en accès direct”, notamment le déficit de médecins généralistes dans certaines régions, assure le Cnom.
“En effet, 62,4% de ces médecins privilégient l’exercice salarié”, très majoritairement dans le service public hospitalier, explique le Cnom, ce qui signifie qu’une majorité d’entre eux n’ouvrent pas de cabinet en libéral. Par exemple, en Ile-de-France, région “en tension démographique pour la médecine générale, seulement 23% d’entre eux exercent en libéral”.
Enfin, ce sont les régions à forte densité médicale qui séduisent le plus les titulaires de diplômes étrangers, à savoir l’Ile-de-France, les régions Rhône-Alpes et Paca. Le Cnom ne dispose pas de chiffres sur les médecins étrangers travaillant dans des hôpitaux français sans être inscrits à l’Ordre.